La surutilisation des examens et des interventions médicales au Canada est un problème grave qui coûte beaucoup de temps et d’argent aux systèmes de santé du Canada et qui peut même être préjudiciable pour les patients. Les Drs Guylène Thériault et René Wittmer de la campagne Choisir avec soin se joignent à notre animatrice Alya Niang pour discuter des causes premières de ces problèmes, des progrès réalisés depuis la publication du rapport précédent en 2017 et des solutions qui permettraient de réduire la surutilisation. Cet épisode est disponible en français.
La surutilisation des examens et des interventions médicales au Canada est un problème grave qui coûte beaucoup de temps et d’argent aux systèmes de santé du Canada et qui peut même être préjudiciable pour les patients. Les Drs Guylène Thériault et René Wittmer de la campagne Choisir avec soin se joignent à notre animatrice Alya Niang pour discuter des causes premières de ces problèmes, des progrès réalisés depuis la publication du rapport précédent en 2017 et des solutions qui permettraient de réduire la surutilisation.
Cet épisode est disponible en français.
Alya Niang
Nous allons analyser en profondeur les systèmes et les politiques de soins de santé du Canada, discuter des efforts déployés pour maintenir les Canadiens en bonne santé en allant au-delà des données et en parlant à des experts, à des travailleurs de la santé et à des patients. Dans l'émission d'aujourd'hui, nous examinons de plus près comment la pandémie de COVID-19 a fait dérailler le système de santé canadien obligeant à retarder, à annuler ou encore à affecter d'une manière ou d'une autre de nombreuses formes de soins, un changement complet de priorité pour s'occuper les patients atteints de l'infection.
La pandémie de COVID-19 a entraîné des perturbations majeures dans le système de santé canadien. Les ressources ont été mises à rude épreuve avec de longues listes d'attentes aux urgences et pour d'autres soins. Est-il possible d'aider le système surchargé, mieux travailler en faisant moins, moins de tests et de procédures qui ne sont peut-être pas vraiment nécessaires? Dans le balado d’aujourd'hui, comment Choisir avec soin? Une campagne mondiale visant à mettre un terme aux tests et traitements médicaux de faible valeur qui n'aident pas vraiment les patients et pourraient même leur porter préjudice. Également, pourquoi la pandémie peut être une excellente occasion, un bon moment pour faire des changements ?
Bonjour et bienvenue au balado d'information sur la santé au Canada. Ici Alya Niang, je suis ravie d'animer cette conversation où nous examinons notre système de santé et les données avec un regard sur les problèmes et des solutions. Rappelez-vous que les opinions et les commentaires de nos invités ne reflètent pas nécessairement ceux de l’ICIS. Cependant, il s'agit d'une discussion libre et ouverte et celle-ci porte sur la surconsommation de tests et de traitement, la campagne pour y mettre un frein et les 5 questions que les patients peuvent poser pour obtenir les meilleurs soins avec le moins de risque possible.
Nous avons avec nous aujourd'hui la Dre Guylène Thériault, coresponsable des soins primaires de la campagne Choisir avec soin Canada, omnipraticienne et médecins de famille à Gatineau, au Québec. Et le Dr René Wittmer, médecin de famille, président de Choisir avec soin Québec, vulgarisateur scientifique et professeur adjoint de clinique au département de médecine de famille et de médecine d'urgence de l'Université de Montréal. Bienvenue.
Dre Thériault, je vais commencer avec vous. Je suis surprise de constater que plus d'un tiers des tests médicaux et des procédures, comme certaines analyses sanguines, les radiographies et les médicaments peuvent ne pas constituer un avantage pour le patient ou encore même causer des dommages. Comment en est-on arrivé là?
Guylène Thériault
Mais en fait, il faut comprendre que la médecine évolue déjà depuis plusieurs, des décennies en fait. Et au début, on n'avait pas beaucoup de tests ou de traitements qu'on pouvait offrir aux patients. Et puis en plus, les données sur ces tests et traitements-là, on n’en avait pas beaucoup. Donc, graduellement, cette idée-là que tout test ou tout traitement était utile et pouvait servir aux patients s’est implantée. Mais avec l'explosion du nombre de tests, du nombre de thérapies ou d'interventions qu'on peut faire au patient, on a peut-être oublié de se poser des questions à un certain moment donné.
Mais là, on s'en rend compte depuis déjà, je dirais 10, 15, 20 ans qu'il y a probablement un problème. Puis, ce n’est pas tous les tests, toutes les procédures, tous les traitements qui sont sur le même niveau. Il y en a qui ont des bénéfices pour les patients, c'est certain, mais il y en a qui n’ont pas de bénéfice, en fait. Et ça dépend de la personne à qui on l'applique. Donc, un même test peut être très utile pour quelqu'un et ne pas représenter quelque chose de valable pour une autre personne dépendant de la raison pour laquelle il se présente chez son médecin.
En fait, ce qui est dommage, je pense, c'est que cette idée-là que tout test et traitement n'est pas nécessairement utile, ce n’est pas quelque chose qui est encore beaucoup enseigné aux professionnels de la santé, lorsqu'ils font leurs cours. Donc, je pense que c'est une des raisons pour lesquelles ça se perpétue depuis tant de temps et qu'on a de la misère à faire passer ce message-là que, dans le fond, probablement qu'en faire moins c'est faire beaucoup mieux pour les patients.
Alya Niang
Dre Thériault, l'une des raisons pour lesquelles nous avons cet épisode aujourd'hui est que la campagne Choisir avec soin et l'ICIS ont commencé à suivre certaines procédures médicales avec peu d'avantages en 2014. Nous avons de nouvelles données de 2019-2020 qui comparent comment le Canada et ses provinces font pour ces dernières. Qu'avez-vous trouvé dans l'ensemble et y a-t-il eu de bonnes nouvelles?
Guylène Thériault
En fait, oui, je pense que globalement le rapport c'est une bonne nouvelle. En fait, en 2017, le premier rapport a un peu mis sur la table le fait qu'il y avait de la surutilisation de tests et traitements, c'était clair, on avait des données. Et là, c'est le premier rapport où on peut voir un suivi. Est-ce que ça a changé cette situation-là? Le rapport regarde, en fait, 12 examens et/ou traitements, et sur les 12, il y en a 8 pour lesquels il y a eu une diminution. Donc, c'est quand même, je crois, oui, une bonne nouvelle.
Ce qu'on voit, c'est ce qui semble le plus difficile à travailler pour le moment, c'est ce qui a rapport à l'imagerie parce qu'on voit que dans les 4 recommandations sur les 12 qui n’ont pas vraiment changé, on en a 3 qui sont d'imagerie. Donc, par exemple, les imageries du cerveau, des CT scan ou les tomodensitométries du cerveau après un trauma crânien, un trauma crânien mineur sans signe préoccupant. Les imageries du dos, alors ça arrive très fréquemment que les Canadiens aient mal au dos, de tout âge, même quand on vieillit un peu, beaucoup de gens vont faire des efforts et avoir mal au dos. Alors l'imagerie pour des douleurs au dos qui ne sont pas inquiétantes d'emblée. Et la radiographie du poumon pour les enfants qui arrivent à l'urgence puis qui ont des symptômes d'asthme bronchiolite, mais qui ne sont pas inquiétants non plus.
Donc, quand je regarde le total, 3 de ces 4-là qui n’ont pas eu de baisse sont des imageries. Donc, il y a peut-être quelque chose à laquelle il faut bien réfléchir en arrière de ça. Mais ce qui est vraiment intéressant, pour moi, de voir, c'est qu’on voit une diminution dans l'utilisation des antibiotiques, puis on voit une diminution aussi dans l'utilisation des transfusions sanguines. Et ça, c'est multifactoriel. La diminution vient de beaucoup de choses, mais ce qui est intéressant c'est qu'à Choisir avec soin au Canada, on a 2 grandes campagnes. Une qui vise l'utilisation judicieuse des antibiotiques, puis une qui vise à réduire l'utilisation inappropriée des produits sanguins.
Donc ça, ça nous fait plaisir de voir qu’au moins, on est dans la bonne direction, sans dire qu'on peut imputer toute cette diminution-là aux campagnes, mais quand même, on est dans le bon sens.
Alya Niang
Donc, on peut dire que bien qu'il y ait encore du travail à faire, il y a quand même eu de bons progrès.
Guylène Thériault
Oui, moi, je dirais qu’il y a du progrès, mais comme vous le dites, il y a encore du travail à faire. Parce qu’on ne pourra jamais arriver à zéro. On ne pourra jamais être parfait parce qu’il y a toujours des cas où l'imagerie ou un traitement va être indiqué. Mais quand même, quand on reste avec des pourcentages quand même qui sont élevés de surutilisation, on estimait 35% en 2017, c'est quand même énorme. Vous comprendrez, puis je suis sûre que mon collègue va renchérir là-dessus aussi, que ça fait en sorte que ça perturbe ou ça diminue la capacité de pouvoir accéder à des soins. Alors, plus on est occupé à faire des choses qui en fait n’aident pas nos patients, moins on a le temps de faire des choses qui aident nos patients.
Donc, toute diminution, comme vous le dites, oui, est une bonne nouvelle, en fait.
Alya Niang
Dr Wittmer, venons-en un peu à vous. En tant que médecin de famille de première ligne, vous voyez probablement des cas de mal de dos en permanence. Les patients exigent-ils ces tests? Que se passe-t-il lorsque vous dites non, ce n'est pas nécessaire? Vous arrive-t-il de céder? Est-il difficile de faire reculer ce problème?
René Wittmer
Mais il y a plusieurs parties à votre question. Premièrement, est-ce que les patients exigent des tests quand ils ont mal au dos? Je dirais que ce n’est pas infréquent que les patients arrivent comme raison de consultation qu'ils veulent un test, qui demandent à passer une radiographie. Mais ce que ça témoigne cette question-là ou cette demande-là, c'est qu'il y a une inquiétude sous-jacente. Quelqu'un qui arrive avec un mal de dos et qui demande une radiographie est potentiellement inquiet pour une maladie grave, ou potentiellement inquiet pour quelque chose parce qu'il connaît un proche qui a eu une maladie grave.
Donc, je dirais, au-delà d'exiger un test, les patients arrivent souvent avec une inquiétude en dessous de ça et demande à être rassurés ou du moins de comprendre ce qui leur arrive, de savoir combien de temps ça va durer, de savoir est-ce qu’il y a quelque chose qu’ils peuvent faire pour accélérer le rétablissement, par exemple. Donc, je dirais que si c'est la raison de consultation initiale, ou du moins, qu'on a l'impression que nos patients exigent des tests, c'est dans la minorité des cas qu'on n'arrive pas après une évaluation clinique, donc un bon questionnaire, un bon examen physique. C'est très rare qu'on ait besoin de réaliser ces tests-là. Et c'est très rare que les patients n’acceptent pas là recommandation de dire qu'on va différer l'examen d'imagerie. Parce qu'on parle ici du mal de dos en aigu, donc dans les premiers jours, les premières semaines de mal de dos quand on n'a pas de signaux d'alarme.
Il arrive toutefois qu'un mal de dos qui se chronicise ou un mal de dos qui présente certaines caractéristiques dans lesquels on va vouloir faire un examen d'imagerie. Les patients sont beaucoup plus enclins à accepter notre recommandation de dire qu’à ce stade-ci ça ne nous apparaît pas nécessaire, mais de revenir nous voir si jamais le mal de dos ne s'améliore pas avec les conseils qu'on leur prodigue et qu'on pourra procéder à un examen un peu plus tard, si jamais c'est encore nécessaire.
Donc, je dirais, c'est rare qu'on ait besoin de dire non tout simplement. En fait, on a besoin de dire non à moins que ceci arrive et on offre une recommandation qui est autre que l'imagerie. La plupart du temps, quand on dit non, je dirais que c'est beaucoup comment c'est amené. Est-ce qu'on arrive à expliquer nos patients pourquoi ce n’est pas nécessaire ou même encore mieux d'aller explorer pourquoi eux, ils pensent que c'est nécessaire et d'aller bien explorer ça et de les rassurer que, malgré leur inquiétude, pour raison A B C, on ne pense pas qu'ils en ont besoin.
Est-ce que ça nous arrive de céder et de faire une radiographie alors que ce n’est pas nécessaire? Je pense que tout le monde a déjà fait un test en se disant : on est dans une zone grise ou le patient semble vraiment y tenir et qu'on a discuté des pour et des contre et qu'on a prescrit un test qu'on se dit en rétrospective peut-être que c'était pas réellement nécessaire. Le but, ce n’est pas de jeter la pierre aux personnes qui l'ont déjà fait. Je pense qu’on peut tous se rappeler le moment où on n'a pas eu une pratique qui était parfaite. On sait d'ailleurs, c'est une question intéressante, parce qu'on sait qu'il y a plein de facteurs qui influencent pourquoi les cliniciens prescrivent des examens ou des traitements alors qu'ils savent que ce n’est pas complètement utile. Je prends l'exemple des antibiotiques, mais on sait que le niveau de fatigue des cliniciens, à quel moment on est dans la journée ou dans quart de travail à l'urgence, on sait que ça influence la propension à prescrire certains tests ou traitements. Donc, c'est très intéressant de savoir que les cliniciens, on reste des humains et qu’on est sensible à nos propres biais personnels qu'on peut avoir, et aussi notre niveau de fatigue, tout simplement.
Alya Niang
Effectivement, je pense également que c'est très important d'avoir cette relation de confiance entre le médecin et son patient pour ne pas installer de doute.
René Wittmer
Oui, la confiance et la relation, je dirais, on est privilégié comme médecin de famille, on développe des liens avec nos patients. Ils nous connaissent, on les connaît. Ils font confiance en notre jugement professionnel. Donc, c’est peut-être plus facile de bien expliquer ça aux patients qu'on connaît bien et qu'ils savent qu'ils vont être en mesure de nous revoir si jamais les choses ne s'améliorent pas, par rapport à peut-être dans un contexte comme des soins d'urgence où des fois, on n'a pas ce lien qui est établi avec les professionnels. Mais ça nous illustre vraiment comment la capacité à développer un lien rapidement, puis de créer un lien de confiance entre les professionnels et leurs patients, c'est vraiment un élément clé pour réduire la surutilisation de certains tests et traitements.
Alya Niang
Effectivement. Dre Thériault, la surconsommation d'antibiotiques suscite une énorme inquiétude au niveau international, car une utilisation inappropriée peut conduire à des bactéries résistantes aux antibiotiques et à des infections impossibles à traiter. Lorsque vous avez commencé à mesurer ce phénomène en 2014, à quel point les choses étaient-elles mauvaises? Qu'avez-vous constaté dans les dernières données? Est-ce que c'était acceptable? Quelle est la gravité du problème? Comment y remédiez-vous aujourd'hui?
Guylène Thériault
En fait, je préciserais que Choisir avec soin Canada ne fait pas de mesures. C’est l’ICIS qui nous permet d'avoir des mesures pour savoir si, comme je disais tantôt, on s'en va dans la bonne direction avec nos actions. En fait, c'est effectivement un grave problème, comme vous l'avez nommé, la résistance aux antibiotiques. J'ai été quand même surprise d'apprendre que 5400 personnes meurent chaque année au Canada à cause de causes qui sont attribuables à la résistance aux antimicrobiens. C’est quand même beaucoup de gens. Et si on ne fait rien, si on ne fait pas différemment en utilisant nos antibiotiques, mais ça va simplement augmenter, puis on va probablement doubler ce nombre de décès là d'ici quelques dizaines d'années.
Donc, ce qu'on fait à Choisir avec soin au Canada, on a une campagne qui s'appelle : pour une utilisation judicieuse des antibiotiques. Ça fait déjà plusieurs années, je crois, c'est 2018 ou 2019 qu'on a commencé la campagne. Donc, on a de nombreux outils, et pour les patients, et pour les cliniciens, pour se rappeler de choses qui sont, oui, de la base, mais ça vaut la peine des fois de se rappeler de la base, de savoir quand je dois vraiment traiter un mal de gorge avec des antibiotiques? Ou quand est-ce que je dois traiter une otite?
On a développé, grâce à un partenariat avec RxFiles qui est un organisme canadien aussi, une prescription virale. Donc en fait, c'est comme si je vous donne une prescription avec toutes les informations que je veux vous donner, donc c'est qu'est-ce que je pense que vous avez et qu'est-ce que vous pouvez faire pour vous soulager, mais il n’y a pas d'antibiotique là-dessus. Et on croit que ça, ça peut avoir un impact, en tout cas, pour aider le clinicien à sentir qu'il est utile aux patients. Puis, pour répondre aux besoins des patients qui, justement de savoir ce que j'ai, un peu comme le mal de dos tantôt que Dr Wittmer parlait. Il veut savoir un peu ce que j'ai et qu'est-ce que je peux faire pour soulager mes symptômes.
Parce qu’encore là, le fait de dire que les patients vont venir puis vont exiger des antibiotiques, ce n’est pas vraiment la réalité, en tout cas, telle que décrite dans les études. Ils veulent vraiment savoir ce qu'ils ont. Ils sont inquiets, puis ils veulent avoir un plan pour adresser leurs symptômes.
Donc, cette campagne-là est encore présente. On l'a mis à jour pendant la COVID. On a changé nos outils un peu. Là, la COVID, on pense que ça commence à diminuer. On est en train encore de mettre ces outils-là à jouer. On a maintenant une prescription virale aussi adaptée aux enfants depuis quelques mois sur le site web.
Alya Niang
Parfait, merci Dre Thériault. Dr Wittmer, je sais que c'est un problème avec les familles, surtout avec les enfants qui demandent des antibiotiques. Vous êtes peut-être en phase avec le fait de Choisir avec soin, mais qu'en est-il de vos collègues?
René Wittmer
C'est intéressant parce que je pense que ça perpétue un mythe cette idée-là que les patients ou encore les parents d'enfants ou leur famille veulent des antibiotiques. Pour enchérir sur ce que le Dre Thériault disait un peu plus tôt, je pense que les gens qui nous consultent veulent ultimement savoir ce qu'ils ont et surtout savoir s'ils ont besoin d'antibiotiques. Je pense que la plupart des patients ou leur famille, quand on leur explique qu'ils n'en ont pas besoin parce qu'ils sont atteints d'une infection qui est virale et qui ne s'améliorera donc pas avec des antibiotiques, la plupart sont bien prêts à accepter qu'on ne fera pas de prescription lors de la visite et qu'on les invite à nous recontacter si ça ne se résout pas dans le nombre de jours auxquels on s'attend. C'est essentiel, je crois, d'avoir des attentes réalistes par rapport à la durée des symptômes.
Je prends l'exemple de la toux, la durée moyenne d'une toux virale c'est généralement plus de 2 semaines et les gens sont surpris d'entendre ça, mais de savoir que c'est normal pour un enfant qui tousse de tousser sur une longue durée même quand c'est une infection virale, à moins d'avoir d'autres caractéristiques qui nous font croire qu’il y a une infection bactérienne, le traitement c'est de l'observation, du repos et d'attendre que les choses passent dans la majorité des cas.
Donc, je crois que, malheureusement, de la façon qu'on le visualise, souvent on perpétue le mythe que c'est une attente que les patients ont. Et ce qui est intéressant, c'est que la littérature nous démontre que le fait de prescrire les antibiotiques ça ne corrèle pas nécessairement avec le fait que les patients nous en formulent la demande, mais avec la perception qu'on a comme clinicien d'à quel point nos patients ou leur famille en veulent. Donc, tout est une question de communication encore et de voir c'est quoi les attentes de nos patients. Ça arrive régulièrement que je demande à mes patients s’ils s'attendaient à sortir avec une prescription d'antibiotiques. La plupart des gens vont me répondre : mais seulement si vous pensez que c'est nécessaire. Et la réponse n’est pas systématiquement qu'ils veulent les antibiotiques.
Maintenant, je reviens à votre question qu'est-ce qu'il en est de mes collègues? Je pense qu'on est autour de la table, on est des gens qui essayons de choisir avec soin, qui essaient d'utiliser judicieusement les antibiotiques, mais je dirais que j'ai l'impression que les tendances tendent à s'améliorer. Je pense qu'il y a eu beaucoup d'efforts de conscientisation auprès des professionnels et auprès du public sur les enjeux et les effets délétères des antibiotiques, particulièrement les antibiotiques inutiles.
Donc, intuitivement, en tout cas, sans chiffres à l'appui, j'aurais tendance à vous dire que sur le terrain, j'observe que c'est plus facilement accepté par les familles et par les patients et c'est aussi une tendance que je vois auprès de mes collègues qui prescrivent moins d'antibiotiques qu’avant. Quand je regarde mes résidents, moi, je travaille en milieu universitaire, donc je vois des stagiaires et je vois le changement avec les années on les a quand même mieux formés et être capable de vraiment bien expliquer aux parents ou aux enfants quand ils ont vraiment besoin d'antibiotiques ou pas. Et je crois qu'on est quand même sur une bonne piste pour le futur, qu’on aura des générations de cliniciens qui sont de plus en plus sensibilisés à cette problématique-là.
Guylène Thériault
Si je pourrais juste rajouter quelque chose parce que, je pense que ton instinct ou ce que tu notes, on le voit aussi dans le rapport, on voit une diminution de l'utilisation des antibiotiques au Canada. Donc c'est multifactoriel, probablement. Donc, effectivement, ce qu'on voit sur le terrain semble se concrétiser quand on prend une mesure un peu plus objective comme celle du rapport.
Alya Niang
J'avoue que en tant que parent, ce rapport me permet de mieux comprendre beaucoup de choses parce que je me suis retrouvée chez le médecin avec ma fille qui toussait et qui toussait beaucoup et quand le médecin me disait : il n’y a rien à donner, ça va passer, ça va passer, j'avais du mal à comprendre parce que je me disais il faut vraiment quelque chose pour l'aider et/ou bien pour que la toux cesse. Mais avec le temps, ça passe.
Donc encore, je reviens sur la confiance.
René Wittmer
Et ça rejoint vraiment l'importance d'une bonne communication, que les parents ne sortent pas là et qu’ils disent que leur enfant n'a rien parce qu'ils objectivent. Mon enfant tousse, mon enfant a quelque chose. Il explique que leur enfant n'a pas rien, il a simplement quelque chose, par contre, qui n'est pas aidé par les antibiotiques. Et ce n’est pas la même chose ça.
Alya Niang
Effectivement et il faut y croire, avoir la confiance.
René Wittmer
Il faut y croire parce qu’un parent qui arrive devant nous, que ça fait 3 nuits qu'il ne dort pas parce que son enfant fait de la fièvre, je pense ça prend de l'empathie à la base et se dire, il a eu des journées difficiles, on va essayer de bien expliquer les choses.
Alya Niang
Un autre domaine est celui des tests préopératoires. J'ai été surprise d'apprendre que certains patients subissent des radiographies pulmonaires et des tests d'effort cardiaque pour des procédures à faible risque comme une endoscopie ou une chirurgie oculaire. Ces tests sont-ils vraiment nécessaires? Pourquoi les faire en premier lieu, Dr Wittmer?
René Wittmer
Vous mettez le doigt sur un problème. On sait que l'examen préopératoire est fréquemment surutilisé, dans le sens qu'il est utilisé dans des contextes où ça n'apporte aucun avantage, ça ne changera pas la conduite. Un exemple de ça, c'est les chirurgies à faible risque, donc les chirurgies oculaires, des endoscopies, dans la plupart des cas, on n'a pas besoin de faire de tests préopératoires parce que ça ne changera pas notre conduite comme c'est une chirurgie qui est à faible risque. C'est différent si on a un patient qui s'en va en chirurgie cardiaque, c'est une chirurgie qui est le plus haut risque de complications et là, on va se poser des questions est-ce qu’il y a certains tests qui seraient nécessaires?
Maintenant, on le sait que c'est inutile dans les cas où ce sont les chirurgies, entre guillemets mineurs, si je peux dire, pourquoi est-ce qu'on continue à faire ces tests-là alors qu'on sait que c'est inutile? Bien une des choses qu'on sait, c'est que les cliniciens ont des habitudes et dans ces habitudes-là ils ont, si je peux me permettre l'expression, de mauvais plis aussi qu'on prend avec le temps. Et des fois, c'est dur de défaire des habitudes qu'on a quand on a toujours procédé d'une certaine façon qu’on a toujours demandé des tests dans toutes les chirurgies qu'on fait. Bien ces habitudes-là tendent à rester avec nous. Donc, on a tendance à continuer à faire la même chose. Pleins d'arguments aussi sont apportés par les cliniciens quand on les questionne sur les raisons pour lesquelles ils font des procédures ou des tests ou des traitements inutiles et tout le monde a l'impression de manquer temps et que de simplement continuer la même façon de procéder qu'ils ont toujours fait, c'est une façon de sauver du temps.
Ultimement, probablement qu'on ne sauve pas tant de temps que ça parce que ça nous4 prend du temps rédiger les demandes de consultation, faire le suivi des analyses qu'on demande, gérer les trouvailles fortuites qu'on peut faire et qui étaient inattendues, des fois, sur ces examens-là. Donc ultimement, probablement qu'on ne sauve pas tant de temps que ça et ça rallonge les délais pour les patients qui auraient besoin d'un examen préopératoire et pour qui ça va vraiment changer la façon qu'on va procéder pour leur intervention.
Donc, il y a plusieurs raisons pourquoi ça se fait encore et des fois, c'est simplement aussi un manque d'information. Le fait que les gens ne savent pas que dans les contextes de chirurgie à bas risque ce n'est pas nécessaire de faire ces investigations préopératoires là. Les médecins et les professionnels, en général, je crois, sont aussi très craintifs à l'idée d'avoir des plaintes ou d'avoir des complications. Donc, je pense qu'il n’y a pas un clinicien qui se lève le matin en se disant qu'il va faire des tests inutiles par exprès. Les gens ne font pas ça de façon consciente, ils le font dans la bienveillance, dans l'idée de faire le mieux pour leurs patients. Et cette idée-là que d'en faire plus c'est mieux que d'en faire moins, c'est très ancré dans nos esprits alors qu'on sait que ce n’est pas toujours vrai.
Et c'est vrai pour nos patients aussi, des fois, on a cette idée-là qu’il n’y a pas de risque à faire un examen, alors qu'on sait que ces examens-là peuvent comporter des risques quand ils ne sont pas utilisés dans le bon contexte.
Alya Niang
En effet. Qu'est-ce que la campagne Choisir avec soin à recommander? et que s'est-il passé entre les 2 rapports?
René Wittmer
La campagne Choisir avec soin a fait des trousses d'outils sur une multitude de sujets, l'utilisation de la sonde urinaire en milieu hospitalier, par exemple, et il y a une trousse d'outils, justement, sur l'utilisation judicieuse du bilan préopératoire. Donc, cette trousse d'outils là est destinée aux cliniciens pour vraiment les aider à mieux cibler dans quel contexte ce type d’intervention, d'examen préopératoire est réellement nécessaire. Donc, on a des grilles qui peuvent aider à outiller les gens à bien s'informer et à bien choisir le contexte où c'est nécessaire. Mais surtout, ça guidait les cliniciens à dire OK comment on part d'un point A et on va au point B où on va faire une meilleure utilisation de ces tests-là.
Donc, vraiment qui impliquer autour de la table pour démarrer un projet d'amélioration de la qualité? Qui sont les personnes clés interpellées? Quels sont nos indicateurs qu'on va mesurer avant et après l'intervention? Des exemples de types d'intervention qu'on peut réaliser dans son milieu. Donc, c'est vraiment, si je peux dire, un manuel d'instruction pour mieux utiliser les ressources en termes d'examens préopératoires dans son milieu. Et on a des trousses analogues à celle-là pour une multitude d'autres sujets qui existent sur le site web de Choisir avec soin Canada.
Pour ce qui s'est passé entre les 2 rapports, le rapport est tout nouveau, je me tourne vers Dre Thériault, est-ce qu'on a des chiffres qui ont changé entre les 2 rapports?
Guylène Thériault
Donc, oui, en fait on voit, c'est une des 8 pratiques qui a été regardée où on voit une diminution. Mais il reste quand même que 1 patient sur 5 qui avait une chirurgie à faible risque avait quand même des tests préopératoires qui étaient réalisés. Donc, probablement encore une place où on peut s'améliorer.
Alya Niang
Un sujet très brûlant, c'est-à-dire les médicaments et sédatifs couramment prescrits aux personnes âgées pour lutter contre l'insomnie et l'anxiété, mais peuvent augmenter le risque de chute et de fracture de la hanche, d'hospitalisation et de décès. Où en étaient les choses au Canada lorsque vous avez commencé à suivre cette pratique, Dre Thériault? Que montrent les dernières données?
Guylène Thériault
On sait, grâce à ce nouveau rapport-là, qu'il y a une tendance à la baisse. Alors ça, c'est vraiment encourageant parce que c'est une des recommandations, les benzodiazépines et les antipsychotiques, les opiacés, ce sont des molécules où il faut probablement repenser à nos pratiques. Donc ça, c'est vraiment intéressant, on voit une diminution, mais encore là, on un peu comme tout à l'heure avec les tests préopératoires, mais là on est à 1 personne sur 12 qui fait encore usage de ces molécules-là. Et quand on regarde ça à travers le Canada, il y a probablement beaucoup trop de personnes encore qui utilisent ces molécules-là, qui n’ont pas de bénéfice à les utiliser.
Une chose qui est intéressante, c'est que, je crois, que ces notions-là sont de plus en plus discutées aussi dans la formation des nouveaux médecins. Donc, si on arrive à ne pas les prescrire à la base, ça va beaucoup aider. Parce que déprescrire des médicaments, c'est quelque chose de très judicieux et qu'on doit toujours réfléchir, tu sais, quand on a une liste de médicaments devant nous, mais c'est quelque chose qui est peut-être un peu plus complexe pour des gens qui prennent ça depuis très, très, très longtemps, que si, dès le départ, on ne l'avait pas prescrit en donnant d'autres alternatives pour soulager les symptômes.
Alya Niang
En effet. Vous avez un peu touché à ma prochaine question. Dr Wittmer, avez-vous trouvé que vous deviez déprescrire, c'est-à-dire retirer les patients de ces médicaments?
René Wittmer
Tout à fait. Je pense que revoyant les données concernant les risques que ces médications peuvent avoir, je crois que c'est notre devoir, comme médecin, d'informer nos patients de ces risques-là et de procéder à un plan d'intervention. Donc, soit de réduire la dose ou même de procéder à un sevrage complet dans le cas où c'est possible et/ou on est capable d'avoir une bonne collaboration de nos patients. Et je rajouterai que la majorité des patients, quand on leur explique que leur médication comporte plus de risques que de bénéfices, la majorité des patients sont ouverts à entamer cette discussion-là et à commencer un plan d'intervention pour les cesser éventuellement.
Je dirais encore une fois, ça revient à l'art de la communication et de bien expliquer les choses, de bien les mettre en contexte. Il y a des journées où notre patient arrive avec différents symptômes, ce n’est peut-être pas la bonne journée pour parler des prescriptions. Il faut choisir le bon moment pour nos interventions et les occasions qu'on a comme médecin de famille pour represcrire les médicaments, faire des renouvellements, c'est une occasion clé qu'on doit saisir pour réduire le fardeau médicamenteux de nos aînés.
Guylène Thériault
Si je peux rajouter quelque chose, Dr Wittmer travaille avec un autre Dre Thériault que moi sur un outil pour les cliniciens, justement, pour encore aider les médecins ou les intervenants de première ligne à avoir ces discussions-là avec leurs patients. Donc, si ça intéresse les gens, ça va être disponible sur notre site web de Choisir avec soin de Québec d'ici quelques mois, ça ne sera pas tout de suite, mais quels pour mois.
Alya Niang
Parfait, merci pour l'information. La transfusion sanguine chez les patients hospitalisés. Comment ont-ils été surutilisées et quel est le risque, Dre Thériault? comment avez-vous abordé ce problème?
Guylène Thériault
Oui, en fait ça, c'est vraiment intéressant parce que c'est une des grandes campagnes, un peu comme les antibiotiques que j'ai parlé tout à l'heure. Donc, en fait, je reviens à ce que Dr Wittmer disait tantôt, les médecins ou les intervenants de première ligne ont souvent des automatismes. On a appris à faire les choses d'une certaine façon, puis on a tellement de choses à faire que des fois, on continue à répéter ce qu’on faisait toujours.
Alors, les médecins ont souvent tendance, quand on est devant une anémie, à prescrire 2 culots, alors 2 transfusions, si vous voulez, de sang, d'emblée. Alors ça, c'est une chose à laquelle les outils qu'on a développés se sont attaqués, à dire pourquoi deux, pourquoi pas juste un puis réévaluer. La même chose au niveau de la cible, c'est à dire quand est-ce que je commence à me dire il faut que je transfuse un patient, mais avec les années, si moi, ça fait longtemps que je pratique la médecine, j'ai vu les cibles diminuer tranquillement, et ça sans effet délectable pour les patients.
Donc, ce qui a été fait c'est qu’il y a une médecin et un groupe qui se sont mis ensemble pour travailler des outils, pour outiller, en fait, les hôpitaux à avoir une action concertée pour diminuer les transfusions sanguines. Donc, un hôpital pouvait prendre ce livre de recettes là, si vous voulez, compter, qu'elle était ou plutôt documenter leur pratique, voir s'ils atteignaient ces cibles-là. Donc, pas de transfusion si on n’était pas en bas d'un certain seuil, par exemple. Pas de 2 culots d'emblée, mais bien un culot à la fois. Et là, ils voyaient à quel écart ils avaient avec les cibles qu'ils devaient atteindre, avaient des actions différentes dans leur milieu, mais avec des outils qu'on leur fournissait aussi à travers la campagne. Et là, ils pouvaient soumettre, de façon régulière, jusqu'à tant qu'ils atteignent les cibles et recevoir une espèce de logo qui dit : je suis un hôpital transfusé avec soin.
Donc, ça l'a été quand même très populaire. Ça continue, il y a encore des hôpitaux qui s'inscrivent. On a maintenant des hôpitaux au Québec qui ont reçu leur logo et on en est très fier. Mais c'est un peu le même processus qui va se passer et qui vient de débuter avec les laboratoires, donc on va avoir aussi un élément de certification pour les hôpitaux laboratoire judicieux.
Donc, je pense que ça a été une façon très encourageante et motivante pour les milieux pour changer leurs pratiques face aux transfusions sanguines.
Alya Niang
Par rapport à la pandémie, est-ce que c'est un moment difficile pour vendre l'idée de choisir judicieusement les tests et les traitements?
Guylène Thériault
En fait, au début de la pandémie, je ne pense pas que c’était le bon temps. On avait beaucoup d'autres choses, il fallait apprendre à vivre avec cette nouvelle maladie. Comment on organisait nos cliniques ? Qu'est-ce qu'on faisait avec nos patients ? Faire des consultations virtuelles.
Donc, je pense qu'effectivement à ce moment-là c'était le branle-bas de combat, il faut s'adapter. Mais, ce que la pandémie a fait, au fil du temps, c'est qu'elle nous a fait réaliser à quel point notre système de santé était fragile, à quel point il était à la limite, je pense, de ce qu'il pouvait donner à la population. Alors là, je pense que le message vient très bien donner un éclairage nouveau sur cette problématique-là. Parce que si on pouvait diminuer réellement les tests et les traitements inutiles, on aurait plus d'accès pour les patients qui en ont vraiment besoin.
Moi, il n’y a rien qui m'attriste le plus que d'avoir un patient pour qui, qui a vraiment besoin d'une imagerie parce qu'elle a un cancer, elle doit avoir une chimiothérapie, elle a besoin d'une imagerie puis j'ai de la difficulté à l'avoir. Puis, je sais pertinemment que, probablement, plein de mal de dos qui sont là en train d'avoir leur imagerie. Puis, ce n’est pas la faute de ces patients-là, mais c'est de la faute de du système qui ne vient pas nous aider à faire juste de bons traitements et les bons tests, qui vient nous pousser toujours à en faire plus.
S'il y a quelque chose que la pandémie a mis en lumière, c'est la fragilité de notre système, pas qu'on ne savait pas avant, mais je pense que c'est encore plus clair. Puis, j'espère que ce message-là va résonner encore plus pour dire, bien, il faut faire attention à nos ressources pour les utiliser vraiment judicieusement pour qu'on puisse donner des soins de qualité aux personnes qui en ont vraiment besoin.
Alya Niang
Les recommandations de la campagne Choisir avec soin sont devenues très importantes à un moment donné. Les tests sanguins sont un outil de diagnostic fondamental pour les cliniciens hospitaliers et la commande répétitive de tests sanguins chez les patients sans indication clinique et inutile y représente des soins de faibles valeurs qui peuvent être évitées jusqu'à 60% du temps. Et il y avait une pénurie de tubes de sang. Comment avez-vous aidé, Dre Thériault?
Guylène Thériault
En fait, quand Choisir avec soin a compris qu'il y avait vraiment une pénurie puis un problème, on a, quand je dis on, c'est vraiment l'équipe centrale à Toronto a fait des liens avec les médecins de laboratoire pour voir comment on pouvait les appuyer, comment on pouvait faire en sorte que le message soit diffusé, qu'il y avait cette problématique-là.
Donc, il y a eu plusieurs écrits qui ont été faits. On a supporté ces gens-là aussi à développer des recommandations qui ont été après ça diffusées à travers le site web de Choisir avec soin, des recommandations, justement, qui visaient à faire réfléchir les gens puis à dire : bien ce test-là n'a probablement pas besoin d'être répété s'il y a déjà été fait. Ce test-là n'a pas besoin d'être répété à une fréquence si accrue, etc. pour diminuer justement l'utilisation des tubes sanguins. Parce que c'était les tubes de prélèvement qui étaient en difficulté d'approvisionnement.
Donc, s'il y a une problématique comme ça, on est là pour aider les gens à mettre leurs messages d'une façon qui peuvent être diffusés et qui vont avec le message, en fait, d'en faire moins pour faire mieux, en fait.
René Wittmer
Et on parle des tubes qui manquent, mais on a aussi simplement la ressource humaine du temps que ça prend prélever les tests, les analyser. Donc, ça génère énormément de volume dans le réseau de la santé, également, ces tests inutiles qui permettraient probablement d'améliorer les délais pour avoir accès à des prises de sang, dans certains contextes. Donc, il y a toute la question ressource humaine, on sait qu'on manque d'infirmières, on manque de professionnels.
Donc, utiliser judicieusement nous permet de bien utiliser aussi les ressources humaines qu'on a dans le réseau de la santé qui sont précieuses et qui manquent.
Alya Niang
Toujours avec vous, Dre Thériault, les protocoles et directives de la campagne Choisir avec soin pourrait-il contribuer à alléger la pression sur le personnel des hôpitaux et des cliniques pendant la pandémie?
Guylène Thériault
Je pense que globalement oui. Je ne suis pas sûre qu'on a ce qu'on a, qu'on pourrait dire qu'on a des protocoles, mais on a des outils, des outils pour faciliter des changements de pratique, que ce soit dans les cliniques, que ce soit dans les hôpitaux. Donc oui, je pense que c'est une démarche d'amélioration de la qualité des soins qu'on donne. Sauf qu’avant, l’amélioration de la qualité c'était d'ajouter quelque chose. Maintenant, on fait réfléchir les gens avec nos outils pour dire, bien améliorer la qualité de ce qu'on fait, ça peut vouloir dire dans beaucoup de cas de retrancher certains tests et traitements.
Donc, je pense que oui, ça va tout à fait dans l'esprit de vouloir alléger le travail. Bon, du travail, il y en a toujours beaucoup, mais au moins si on travaille à 100%, mais qu'un grand pourcentage de ça est utile à notre population, bien je pense qu'on a déjà fait avancer les choses.
Alya Niang
Et pensez-vous qu'il pourrait également contribuer au rétablissement du système après la pandémie?
Guylène Thériault
Je pense que le rétablissement du système après la pandémie c'est une grosse tâche, mais certainement, les outils et l'esprit de la campagne ne peuvent pas nuire à ce rétablissement-là. Est-ce que c'est la solution ultime? Je ne pense pas. Ça fait partie d'un panel de solutions qui va falloir mettre en place pour que notre système survive, en fait. Mais le fait d'utiliser judicieusement nos tests et nos traitements ne peut pas nuire à cette réflexion-là puis à cette reconstruction-là, en fait, dans notre système de santé.
René Wittmer
Ultimement, ça ne peut pas, comme dit Dre Thériault, l'idée derrière le fait d'utiliser judicieusement les ressources, ce n'est pas fait pour permettre au système de survie de la réflexion dépasse, en fait, les impacts que ça a sur notre système, ce sont des effets probablement positifs que ça aurait. Mais à la base, il faut se rappeler que c'est pour améliorer la santé de nos patients.
Donc, personne n’a la réflexion qu'il faille faire moins de tests dans l'idée de rationner ou dans l'idée qu'on doit en faire moins pour notre système. L’idée c'est qu'à la base, ça aide nos patients à avoir une meilleure santé, d'avoir moins de torts, des tests qui sont inutiles. On parle vraiment de soins qui sont superflus, qui ne peuvent pas aider nos patients. Donc, juste pour peut-être rassurer les personnes qui nous écoutent, qui se disent : on coupe parce que notre système est en détresse. En fait, non, on fait ça pour améliorer la santé des gens et ultimement ça va aussi avoir l'effet d'aider notre système.
Alya Niang
Je reviens vers vous, Dr Wittmer. Quel est le genre de question que les patients devraient poser?
René Wittmer
Dre Thériault y faisait allusion, un peu plus tôt, que Choisir avec soin à développer une liste de questions que les patients peuvent utiliser pour questionner leurs professionnels à savoir s'ils ont réellement besoin d'un test. Il y a 4 questions très simples que les patients, je les encouragerais à aller stimuler cette réflexion-là avec leur médecin parce que, ultimement, la campagne Choisir avec soin fait des recommandations sur des choses sur lesquelles on devrait s'interroger, sur lesquelles on devrait avoir des conversations sur l'utilité ou non.
Et même si on s'entend que les recommandations soient faites de sorte que dans la majorité des cas, tel test ou tel traitement est déconseillé, il y a des situations ou peut-être c'est approprié pour un patient. Donc, c'est vraiment toute l'idée qu'on doit ouvrir des conversations et en discuter de la pertinence.
C'est 4 questions-là que nos patients peuvent faire s’ils veulent vraiment s'assurer qu'un soin est pertinent pour eux, c'est demander : un, est-ce que j'en ai vraiment besoin de cet examen-là, de ce traitement ou de cette intervention? Deux, est-ce qu’il y a des côtés négatifs? Trois, est-ce qu'il y a des options qui seraient plus simples ou plus sécuritaires? Et quatre, qu'est-ce qui se passe si je ne fais rien? Est-ce que c'est acceptable de dire qu'on se reparle dans quelques semaines, quelques jours, quelques mois pour voir comment vos symptômes ont évolué et décidé à ce moment-là si on fait un test? L'observation, c'est un outil puissant qui est à notre portée comme médecin de famille. On peut se permettre de dire qu'on va réévaluer certains symptômes. Et à moins d'être en présence de certains critères d'alarme, dans beaucoup de cas, c'est tout à fait approprié de dire qu'on s'en reparle dans une période donnée plus tard pour voir si les symptômes persistent et de se revoir si jamais les symptômes se détériorent.
Donc des fois, ne rien faire c'est la meilleure chose et se donner un peu de temps.
Alya Niang
Merci beaucoup, Dre Thériault, et merci beaucoup, Dr Wittmer. Ce fut des échanges vraiment fructueux pour ce balado.
Merci encore.
Les tests et traitements médicaux de faible valeur consomment de précieuses ressources hospitalières et peuvent ne pas réellement bénéficier au patient. Il existe des moyens de limiter la surconsommation et la pandémie est peut-être le bon moment pour examiner de près ce qui est nécessaire et ce qui ne l'est pas.
Merci de vous joindre à notre discussion. Notre producteur exécutif est Jonathan Kuehlein et un grand merci à Aila Goyette et Avis Favaro, l'animatrice du balado de l’ICIS en anglais.
Si vous voulez lire le nouveau rapport de la campagne Choisir avec soin réalisé avec l'Institut canadien d'information sur la santé, veuillez consulter le site www.icis.ca – l’ICIS. N'oubliez surtout pas de vous abonner au balado d'information sur la santé et écoutez-le sur la plateforme de votre choix. Ici Alya Niang, à très bientôt.